Ou comment prévoir l’acceptabilité d’un service mobile?
Contrairement à ce que son nom indique, Germaine Soleil (de son vrai nom), n’a jamais pu prédire la météo du lendemain. Qui plus est, les prestations des astrologues ont pu laisser entendre aux plus cartésiens d’entre nous qu’il n’est pas possible de prédire l’avenir. Certes, mais…
… à défaut de prédire l’avenir, il est possible de le prévoir. La nuance est de taille. Prévoir renvoie à l’idée d’anticiper la probabilité qu’un événement se déroule. Ce qui ne veut pas dire qu’il va se dérouler, mais qu’il est plus probable qu’il se produise. C’est à ce genre de prévisions (et non de prédiction) que se livre tous les jours Météo France. Elle prévoit le temps qu’il est le plus probable de voir apparaître, en s’appuyant sur les conditions relevées plus tôt. Toutefois, la nature chaotique des observations météorologiques font que l’événement le plus probable ne s’avère pas forcément très probable. Cela explique que les prévisions du temps à venir soient parfois décevantes.
De la même façon, nous autres humains avons une façon assez chaotique de prendre nos décisions et d’agir. C’est ce qui nous rend si imprévisibles. S’il en était autrement, chaque innovation se destinerait à devenir un succès commercial. Hélas, loin s’en faut…
Technology Acceptance Model
Objectif
Pourtant, en 1989, Fred Davis s’est livré à ce type d’exercice pour prévoir l’usage des systèmes d’information. C’est ainsi qu’il a créé le Technology Acceptance Model (TAM). Ce modèle explique les déterminants de l’acceptation des technologies informatiques en milieu professionnel. Par acceptation, nous entendons le comportement effectif d’usage d’un système d’information (dont nous avons déjà souligné qu’il était le meilleur indicateur de l’expérience utilisateur). Le but du TAM est donc de prédire l’acceptation d’un système d’information et de diagnostiquer les problèmes de conception de l’interface en amont de sa diffusion. Davis va proposer que les croyances des utilisateurs relatives à l’utilité perçue ainsi qu’à la facilité d’utilisation perçue du système suffisent à anticiper le comportement d’adoption d’un système d’information.
Description
L’utilité perçue est définie comme l’évaluation par un individu, que l’utilisation d’un système d’information améliorera sa performance au travail. Les consultants fonctionnels et les product owners se doivent d’améliorer l’utilité du système.
La facilité d’utilisation perçue renvoie quant à elle au degré auquel un utilisateur espère qu’un système donné sera manipulable sans effort. Le travail des ergonomes, des designers UX & UI et des développeurs va concourir à augmenter la facilité d’utilisation du dispositif.
On constate que si l’utilité et la facilité d’utilisation perçue permettent de prédire l’intention d’usage, seule cette dernière permet de prédire l’usage effectif. Toutefois, la facilité d’utilisation perçue influe sur l’utilité : cela signifie qu’à utilité égale, un dispositif plus facile d’utilisation sera perçu comme plus utile qu’un autre.
L’utilité et la facilité d’utilisation perçues sont des croyances de l’utilisateur à propos du système. Cependant, ces « croyances » ne sont pas nécessairement fondées… Après tout, peu importe la température affichée par le thermomètre : seule compte notre impression d’avoir chaud ou froid.
Pourtant, ce premier modèle s’est avéré insuffisant pour prédire l’utilisation de services mobiles. En effet, les smartphones et les services qu’ils proposent impliquent un usage en contexte qui dépasse la notion même d’utilité propre au dispositif (un téléphone peut désormais faire plus que simplement téléphoner). De surcroît, l’usage des services mobiles ne se limite pas à la sphère professionnelle. C’est pourquoi, dans de plus récents développements, un certain nombre de nouveaux facteurs prédictifs de l’usage effectif lui ont été adjoints. Il est ainsi devenu le TAMMS (Technology Acceptance Model for Mobile Services) proposé par Eija Kaasinen.
Technology Acceptance Model for Mobile Services
Voici le modèle proposé par Eija Kaasinen en 2005.
Si la facilité d’utilisation conserve la place qu’elle occupait au sein du modèle original, l’utilité est remplacée par la valeur perçue. Celle-ci renvoie à tous ces paramètres qui vont motiver l’acquisition du smartphone (prix des services, pertinence de l’information apportée en mobilité, média sociaux, géolocalisation, etc.). De même, la notion de confiance, souvent négligée, y est capitale : confiance dans la précision des informations, confiance dans la qualité de l’appareil et des services (sera-t-il toujours aussi simple d’usage ?), mais aussi et surtout confiance dans le respect de la vie privée et la prévention des surcoûts éventuels. Pour finir, la phase de découverte du dispositif étant critique, il convient de créer un environnement facilitant la prise en main. Cela peut passer par :
- Le service après-vente,
- Les applis installées d’usine,
- L’identification immédiate des fonctions,
- La redondance de l’interface d’aide et d’information sur le web,
- etc.
Au final, ce type de modèle peut expliquer jusqu’à 70% de la variance de l’usage effectif (Venkatesh et al., 2003). Cela signifie que l’on peut identifier 70% des raisons qui peuvent conduire un utilisateur à choisir d’utiliser un dispositif digital !
Conclusion
Au final, que fait Madame Soleil un jour de pluie ? Elle fait comme tout le monde : elle consulte la météo sur son smartphone. Elle le fait parce qu’il est sur elle, dans sa poche, et qu’il lui donne immédiatement sur l’écran d’accueil le temps qu’il va faire à l’endroit où elle est géolocalisée. Ce transfert de donnée lui est signalé, sans surcoût, et en toute transparence. Cette fonction était de toute façon installée sur son appareil avant l’achat, mais ça, elle le savait. C’était écrit sur le site de son opérateur quand elle a préparé son achat. Du coup, elle préfère consulter les prévisions de Météo France, qui ont plus de chances de se réaliser que ses prédictions à elle.
Et ça, nous pouvions le prévoir.